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    Daniel Frayssinet

     

     

    Foin de terre brûlée.

    Après moi, l’herbe repousse.

    À mes trousses, à mes mollets,

    mord la lisière d’une forêt

    démembrée, remembrée

    au gré des politiques sentimentales

    communes.

    J’ai tant planté, tant essaimé

    que si un jour je reviens en arrière,

    il me faudra une machette et à mes pognes cracher

    pour rouvrir une voie qui mène au clair où dorment mes projets d’hier.

     

    Point de cailloux semés.

    Après moi, le chemin s’efface.

    À ma suite, à mes basques,

    mord une louve bâillonnée,

    acharnée, décharnée

    au gré des soubresauts hormonaux

    courants.

    J’ai tant hurlé à l’intérieur, tellement pour rien

    que si un jour je parviens à te parler

    il me faudra une mâchoire et mon portrait craché pour que, derrière l’étranger,

    tu acceptes de voir

    que celui que je suis en train de devenir

    je l’étais déjà,

    je l’ai toujours été.

     

    De mes doigts froissés de regrets, j’ai renoué le drap.

    Du drap poissé d’obéissance, j’ai fait mon balluchon.

    Je ne pouvais plus me laisser mettre en terre, sous les tulipes « bec de perroquet ».

    Et j’ai marché,

    et je me suis perdu,

    et je me suis trouvé.

    Tellement perdu

    que même l’aimant de mon coccyx ne saurait m’y ramener,

    au pied du sycomore

    et tellement trouvé

    que le lynx, par ma voix, hurle encore :

    « Et pourquoi faudrait-il y retourner,

    maintenant que je sais que même les vivants étaient peut-être déjà morts,

    au pied du sycomore ? ».

     

     

     

     

     

    affable,

    je t’attends au guichet de la fabrique des faux,

    débonnaire, on peut dire, en dépit de la peur,

    je t’accueille au comptoir du magasin des masques.

    Approche, ne crains rien, approche !

    Allez ! Regarde-moi !

    Bien en face, si tu peux.

    Marque de ton encoche, l’arc de mon regard,

    qui, pour te soupeser, ce sournois,

    copine et tangente le tien.

    Regarde-moi, je te dis !

    Comment veux-tu sinon

    que je sois celui que je pense que tu penses que je suis !

    On t’as pas prévenu ?

    J’ai pas de fond, j’ai pas de face, j’ai que de la surface.

    Je suis un boomerang dont l’effigie bifide

    retourne vers chacun le visage qu’il veut voir.

     

    Pour toi, ce soir… voyons… quelle figure ?

    Je peux t’offrir

    remontée du bourbier des mythologies complaisantes,

    ma bouille rebondie d’éphèbe blond,

    docile, labile, charmeur.

    Je te conseille de t’en méfier !

    Sinon, je te propose ma face cadenassée de cap’tain scarifié

    pendue, rasée de près, au croc des ronrons matinaux…

    mais…

    tu n’en tireras pas grand chose !

    Désolé

    mais c’est la singularité même des Gémeaux

    de n’avoir pas de singulier.

     

    Et ?

    Mes paroles ?

    Mes avis, mes paroles, je viendrai les copier sur le pas de ta porte

    et nous serons d’accord,

    toujours d’accord

    forcément d’accord

    puisque telle est ma volonté

    et puisqu’il n’y a qu’avec moi-même que je consens à ne pas m’accorder :

    une dissonance fondamentale de quarante ans sonnés,

    une paille !

    Pas grand chose, au final :

    à l’once près, le quintal d’une poutre.

     

     

     

     

     

     

     

    L’idée serait…

    qu’il faut tirer la langue

    loin

    hors de portée des épées courbes et des toupets de casoars

    loin

    jusqu’au galet nodal qu’il faudra dégueuler

    rose, gris, beige ou noir.

     

    Plisser les yeux, laisser venir, plisser les yeux.

    L’ombre portée de nos doigts gourds,

    la suivre,

    l’agonir de caresses

    jusqu’à en soulever la trace.

     

    Laisser venir, jamais gommer, laisser venir.

    Accepter toutes les excroissances :

    crêtes, voiles, branches ou mèches rebelles

    puisqu’elles nous délimitent au delà du contour.

     

    Jamais gommer, laisser monter, jamais gommer.

    Malgré le poids sur les épaules,

    malgré la soif et la fatigue,

    en dépit de la fragilité qui est notre charpente,

    laisser monter.

    Laisser monter

    le profil et les fanes,

    les rites et les ratures,

    la mosaïque si peu jointive de nos nervures.

    Laisser monter

    et puis...

    trembler en se reconnaissant :

    « C’est petit, c’est étroit un corps d’humain debout dans le plein feu des phares »

    Trembler et jubiler pourtant :

    « C’est immense, c’est sans fond, un corps d’homme-fakir sur le chaume des lettres,

    fuyant de toutes parts, transpercé d’écriture,

    tiré par une langue

    qui s’invente

    sous ses yeux ».


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    Quine Chevalier

     

     

     

     

    Arrêt du train. Pas une goutte ne s’échappe

    du seau des maçons.

    Tôles flanquées dans la boue

    blessure raphia.

     

    Ni faim ni soif, des heures  de sommeil

    en attente, empilées.

     

                       Instance de source

                       par magie s’ouvrent

                       des ravines qu’entoure

                       à midi l’épaule nue d’un berger.

     

     

    Libre de l’heure ancienne

    aiguisée à la nuque

    de frontière à frontière

     

    tu es sans âge

    sur un fleuve qui s’anime.

     

     

    A la proue d’une joie

    tu adviens, impunie

    dans une mort effacée.

     

                                                                          Quine Chevalier

     

                                                                          Blessure raphia, page 5

     

     

     

     

     

    Hors du bruit qui cimente la ville,

    qu’as-tu vu en ce jour pour inquiète mémoire

    quelle perte sanglante fait baisser le regard ?

     

                   Pigment de bruits

                   les yeux se ferment

     

    Lèvre déliée au savon noir

     

    S’enfuit comme voleur

    sur le hublot du souvenir

    l’aéroport.

     

    Dans le train vers Tanger

    il n’y a pas d’air

     

    A peine une fenêtre étroite

    où respirer. Murs étiolés

    entre les arbres.

     

    A l’abri de pierres sombres, des ânes

    tannés de sel et de mémoire.

    Tu t’inquiètes du rien, ton cœur vit à l’étroit

    dans une cage à colibris.

     

     

                                                                            Quine Chevalier

     

                                                                             Blessure raphia, page 2

                  

     

     

     

     

     

     

     

     

    Terrasses blanches et de zéliges

    palmes berçant la nuit des rois

     

    Avec des flèches de bois rose

    le cœur touché

    ne quitte pas

     

    Avec des arbres pour navire

    et la musique au bout des doigts

     

    un homme danse ses vertiges

    l’ombre descend

     

    Rythme andalou et fleur mortelle

    Roi phénicien dort dans la pierre

    entre Tanger et l’autre rive

    à bout de larmes

     

    Une nuit immense qui s’éveille

     

     

     

     

                                                                 Quine Chevalier

     

                                                                 Blessure raphia, page 1

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Bol de terre rouge

    où tourmenter ma lèvre

     

    moins vite que le train

    des camions descendent

    au péril du voyage

     

    geste d’eau à portée,

     

    le corps en transhumance

    hors de l’aride, et tu goûtes

    comme une agave déchirée

    sur ton visage en sommeil

    l’envergure sciée du vent.

     

    Miel comme jamais-vertige

    creusant à l’aine

    une étoile.

     

    Nous quittons les terres dessinées

    à la source secrète.

    Ruisselets clairs entre les grains meubles,

    quelle offense d’un soir

    vers le ciel veut jaillir ?

     

                                                                     Quine Chevalier

     

                                                                      Blessure raphia, page 4

     

     

     

     

    Le miel fait défaut et la route

    tremble de toute part.

    Tu vis ici comme un ailleurs,

    ton visage que dit-il sur l’envers des carènes ?

     

    Filent les bancs verts de roseaux,

    grimpent au bord de mer toutes les vignes

    vers Tanger.

     

    Au fond des terres déchiffrées tu comptes

    les moissons de grappes.

                La mer augmente

    le poème muet. Que ne s’élève-t-il au-delà

    des traverses.

     

    Pierres tantôt blanches, le sel instaure

    son royaume. Entrelacs du vent

    où paissent

    rudement les agneaux en errance.

     

    Où va celui qui perd son billet

    et donne deux fois pour la route inachevée ?

     

    Le jeune garçon aux yeux noirs

    ouvre vers la mer

    un judas au verre translucide.

     

                                                                             Quine Chevalier

     

                                                                             Blessure raphia, page 3

     

                                                                             


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    Monia Boulila

    Absence

     

    Je suis absente !

    Tu m’as laissée entre parenthèses

    Entre la nostalgie et la braise.

    Je me cherche, je me trouve dans ta paume,

    Je cherche tes yeux, je trouve un fantôme !

    Je suis absente !

    Tu m’as laissée sur une vague géante

    Entre un baiser et une tendresse frissonnante

    Je me cherche, je me trouve dans tes yeux

    Je cherche ta main, je touche le feu

    Je suis absente !

    Tu m’as prise avec toi,

    Je veux revenir vers moi,

    Mais le temps s’est figé sur un point du mois !

     

    3/11/07

     

     

     

     

    Hymne à la vie

     

     

    Mensonge ou espoir ?

    Cette lumière aux yeux noirs ?

    Qu’on fait sortir de son miroir

    Pour se faire l’illusion de bien voir ?

     

    Mensonge ou volonté ?

    Cette force silencieuse bandée

    Qu’on fait sortir de sa main dénudée

    Pour se faire des ailes faciles à porter.

     

    Mensonges ou amour ?

    Cette ferveur de la nuit et du jour

    Qui vibre, en nous, toujours

    Qu’on laisse grandir et grandir

    Et on s’en va ailleurs pour mourir…

     

    3/11/07

     

     

     

     

     

     

    Je cesserai de t’aimer ?

     

     

    Quand je t’aime,

    Le jour m’emmène aux rides

    La nuit m’emmène aux regrets

    Le soleil m’emmène aux flammes

    La lune m’emmène au mirage

    Le rêve m’emmène aux vertiges

    Le poème m’emmène à l’illusion

     

     

    Quand tu m’aimes,

    Le jour m’emmène à la jeunesse

    La nuit m’emmène à l’ivresse

    Le soleil m’emmène au ciel

    La lune m’emmène aux rivages

    Le rêve m’emmène aux promesses

    Le poème m’emmène à toi !

     

     

    Aimes-moi, je cesserai de t’aimer ?

     

     

     

    Murs

     

    Un mur de neige

    Dans les mains chaudes.

    Un mur de silence

    Dans la bouche assoiffée.

    Un mur de larmes

    Dans les yeux passionnés !

    Un mur de flammes

    Dans le cœur blanc.

    Un mur de doutes

    Dans l’esprit fleuri.

    Un mur d’amertumes

    Dans l’âme radieuse.

     

    Un mur d’obscurité

    Cachant l’aube de l’espoir.

     

    Mais derrière tous les murs la vie reste si belle !!!

     

     

     


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    Marie-Agnès Salehzada

     

    Jardin d’Eden

     

    C’est une montagne de fruits qui ruisselle,

    En émerge une cascade de cerises,

    Un dégringolé de mangues, de kiwis, de figues, d’agrumes et de pêches.

     

    Les vendeurs s’activent, bruissent au milieu des clients,

    Dattes et piments pendent en grappes vermeil,

    Des potirons exhibent leurs mines joufflues,

     

    Les bananes dansent sur les fils,

    Les avocats dressent leurs jabots,

    Les saveurs titillent le palais,

     

    Jouent avec le plaisir des yeux et attirent le passant,

    Comme en un tableau de fleurs,

    La tentation à l’état pur,

     

    Le rêve d’Adam et Eve,

    Ebahis au milieu d’un jardin d’Eden !

    On vit au rythme de l’Espagne,

     

    Celle des halles et des marchés,

    Celle des ménagères et leur panier,

    Celle des maraîchers tout affairés.

     

    On y sent en plus de riches fragrances,

    Du désir de faire plaisir,

    Un épicurisme aux mille saveurs.

     

    On perçoit le brouhaha des halles,

    On s’enivre des odeurs,

    On respire du bonheur…

     

    Il en aura fallu de la sueur et du travail

    Pour produire cette opulence,

    Il en aura fallu des émigrés et des clandestins

     

    Dissimulés sous des bâches,

    Il en aura fallu de la souffrance et des rêves brisés !

    Mais on n’est pas là pour faire les rabat-joie,

     

    On n’est là que dans l’instant,

    Dans la sensualité de l’émotion,

    Dans l’instantané du ressenti !

     

    On pourrait aussi espérer

    Qu’ils soient nombreux à pouvoir consommer sur ce marché,

    Qu’ils n’aient pas à se priver !

     

    Mais on va juste respirer,

    Effleurer le fruit charnu,

    Et le porter à nos lèvres gourmandes !

     

    Marie-Agnès Salehzada Tridon 09 09 2011 Juvignac

     

    Paris en bouteille

     

    Tu me demandes : « Comment fais-tu pour écrire ? »

    Mais écrire, c’est un peu partir…

     

    Partir à la recherche de l’autre, de ses combats, de ses peines.

    Partir vers de nouveaux horizons : 

    Ceux que l’on a visités mais aussi ceux qu’on ne verra jamais !

     

    Et partir dans ses rêves, vers son imaginaire, vers ses chers disparus.

    Feuilleter une à une toutes les pages de sa vie,

    Des intimes paysages jusqu’aux plus fougueuses dérives !

     

    Prendre le large avec Nerval, nager dans la grotte où se prélassent les sirènes,

    Avec Baudelaire percevoir les longs échos des voix chères qui se sont tues,

    Avec Victor venir sur sa tombe poser un bouquet de houx vert et de bruyères en fleurs

    Et rejoindre Albert Camus sur les pentes abruptes de Tipaza.

     

    Partir à la recherche de soi, de ses intimes convictions,

    Fixer l’imaginaire, comme Musset retenir la pensée

    « Sur un bel axe d’or la tenir balancée ».

     

    Se retrouver un peu dans l’autre aussi :

    Celui qui vit en Asie en Papouasie ou en Nouvelle-Guinée,

    Vibrer sur tous le carnavals du monde,

    Se déguiser, adopter des teintes enchantées

    Et revêtir des masques,

    Se trémousser sur des cadences chaloupées.

     

    Être dans son petit coin à soi et naviguer bord sur bord,

    Embarquer dans un fier galion,

    Retrouver l’Amérique celle de Christophe Colomb,

    Ses dangereux récifs et la Marie-Galante,

    Se repérer au sextant, chercher l’étoile polaire.

     

    Mettre la cap là où l’on n’ira jamais,

    Mais peut-être mieux le voir que si l’on y était !

    Croquer les images en rêve, mettre Paris en bouteille 

    Et rire aussi sur ce que l’on a écrit,

    Ouvrir les portes de la fantaisie, c’est cela aussi !

     

     

    Marie-Agnès Salehzada Tridon

     

    11 03 2011 Juvignac

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Une femme s’est mise à pleurer

     

    On n’était plus au temps de Hugo

    On n’était plus au temps de Zola

    On était au 21ième siècle

    Un siècle de communication

    En haute définition et en adsl

    C’était le siècle des individualismes

    Le temps du chacun pour soi

    On surfait, on consommait,

    On savait presque plus faire que ça !

     

    Pourtant on s’était posés là,

    On s’étaient rassemblés en un mouvement de solidarité,

    On avait voulu espérer,

    Les fruits du verger des Hespérides étaient nombreux

    Espérer quelques retombées pour ceux qui oeuvraient

    Pas une condescendance jetée du bout des lèvres,

    Juste de quoi les faire taire,

    Plutôt une reconnaissance, un rebond pour les salaires

     

    Chaque soir nous voyait épuisés

    Rentrer chez nous après avoir tourné toute la journée

    Toujours et toujours bredouille,

    Pourtant on savait qu’on reviendrait,

    Que demain encore on chanterait, encore on crierait

    Et peut être on danserait !

     

    Mais, cette femme s’est mise à pleurer !

    Ces pleurs c’était tout un espoir qui s’effondrait,

    Un visage buriné sur lequel les larmes ruisselaient

    Un visage déformé par la peine et l’humiliation.

    J’ai alors pensé :

    « Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire,

    Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau »

    C’était la chanson de Gavroche !

     

    Des femmes qui pleuraient,

    Parfois on en croisait,

    Mais ces traits crispés, intériorisés sur la tristesse

    C’était la même détresse que du  temps de Prévert,

    Un être pris les doigts dans la portière !

    La peine universelle,

    Qui n’avait plus de pays,

    N ’avait plus d’époque.

     

    La révélation de l’injustice,

    Celle qu’on préférait nommer fatalité,

    Plus ou moins cachée,

    Il fallait parfois gratter pour la déceler,

    Mais elle était toujours là,

    Embusquée derrière ce regard

    Et ces yeux noyés de chagrin.

     

    Marie Agnès Salehzada Tridon 04 05 2010 


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    POEMES LUS  DE ET PAR MARTINE BIARD

     LE 24 SEPTEMBRE 2011

    A MONTPELLIER ( FRANCE )

    RASSEMBLEMENT DU WORLD POETRY MOVEMENT 100000 POETS

    DEVANT LA MAISON DE LA POESIE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON

    A L' INITIATIVE DE FRANCOIS SZABO

     

     

     

                                                         ABORDAGE

     

     

    Peut-être qu' il y a dans tout cela quelques bateaux

    Cette fois encore, la crainte du mot qui n' en dit pas assez long.

    Cette absence du dire qui nous tient lieu d' écho.

    Le sort radieux nous tend la clé,

    on lit Eschyle, cet éclair du regard

    Où plonge souvent le mien.

    On est déjà dans la fête

     Avant l' arrivée de celui qu' on attend.

    Tu m' aides à reconstruire

    Tu m' aides à revenir.

    Alors peut commencer le folklore des mots

    C' est au-delà que l' on accueille

    En ouvrant la porte à grands battants,

    Sous le rideau de pluie,

    Dans l' odeur des figuiers

    Exaltée comme nous.

     

     

     

     

                                  COSTA RICA

     

     

    Et lui déboulait sur les chemins comme un Orient incandescent

    Exaltant à ne donner plus rien à part le travail et de la nuit peut-être

    Quelque écriture plutôt d' alcool.

    A donner moins sur rien

    Et pourtant là-bas

    Des mouettes en vain traversaient l' été.

    Alors nos pas revenaient sur des plages

    Que le soleil encore irradiait de son âge

    Avec, dans nos sandales, des cigales,

    Et le coeur en réserve de soi

    Que le matin surprendrait  à faire d' un rien

    Des trous dans le filet, que la pêche le soir avait suffit à pendre !

    La mer à rendre raides, le sel à corroder,

    Les jours de vent sans fin,

    Les jours de vent du Large

    Où ne rien apporter équivalait à surseoir

    Des jours de fêtes, des trains à prendre,

    Un baiser à se donner.

    En attendant le soir, le filet,  et puis rien

    Car enfin, la mer étale,

    La mer gourmande ravit et masque

    Ton ombre inclinée.

    Le vieil homme sait bien qu' il perd le goût du sel,

    L' ombre des jours sans nom

    Et jusqu' à la tâche noire qui masque le soleil trop vif.

    Tâche d' un coin qu' oublie la mer et que le monde attend.

    Le monde attend qu' il revienne,

    Le monde a ses avis sur tout mais la barque étincelle.

    La barque au loin s' en va,

    C' est qu' Hemingway

    Reste avec moi.

     

     

     

                                   RETROUVAILLES INEDITES

     

     

    Ceux que j' appelle

    Par leur nom

    Et qui n' ont plus de nom

     

    Ceux qui sont devenus

    Ceux que j' aimais beaucoup,

     

    Les ai-je aimés assez ?

     

    Et puis te revoilà clos sur le monde

    Partagé entre une aurore

    Et de nouveaux succès,

    Tel un cheval qui piaffe

    Dans un essaim d' abeilles.

     

    Dans ton antre

    Comme un ventre

    L' éclat parfumé

    D' un thé

    Une guitare

    Et trois chansons

    Dont nous savons qu' elles n' ont plus d' importance.

     

    De plus loin revient la démesure

    De nos gestes inscrits dans plus loin que l' aurore.

     

    Ce chant partagé qui cherche ses dépositaires

    Nous laisse en un clin d' oeil

    L' art de nous bien taire.

     

    Au delà des saisons,

    Des éclats,

    Du Pardon

     

    Au delà de nous-mêmes

    La Terre et ces moissons

    Comme gorgée d' orange

    Nous projettent en vermeil sur un grand tapis vert.

     

    Une main blesse et joue la part de nous cachée.

    Rien d' obscur, simple distance.

     

    Rien de notre silence

    N' atteint cette guitare

    Qui de très loin se tait.

     

    Et reste dans la mer

    L' éclat de nos saisons

    Qui n' ont plus de sanglots

    Qui se rêvent à nouveau

    Qui sont comme un sillon

    Qui pèse sur le monde.

     

    Dans l' étoffe, tous nos gestes froissés

    Sont devenus des signes.

    Ton sourire même est intérieur

    Peut-être enfin libre de m' atteindre.

     

    Et je chante au présent

    Ton nom qui me dit oui.

     

    Chacun a dans son coeur

    Un cercle de lumière

    Et sa part de sable

    A l' ombre des enfants

    Qui nous rejoignent en baisers doux.

     

    Ainsi le ciel en toi se tait,

    Et me donne à rêver

    De ce qui t' habite.

     

    Dans les volutes de juillet

    Un enfant né

    Des temps d' aurore.

     

    Là-bas, très loin,

    Dans les champs,

    Avec les vagues

    De marées hautes.

     

     

                  Extraits du recueil " Les Sentinelles du désir "       

                  de Martine Biard

                  Editions Grau-Mots. Gard. France.

                 Mars 2011

                 ISBN: 978-2-919155-05-7

     

     

     


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